« Je considère qu’elle n’est pas dans le besoin ». Hiérarchiser les situations des mères précaires dans l’aide alimentaire d’urgence

À partir d’une enquête menée au sein d’une association qui distribue des colis d’urgence aux mères précaires et à leurs enfants, cet article interroge comment une organisation hiérarchise les demandes d’aide d’urgence qui lui sont adressées. En effet, comme les membres de Petits pots solidaires sont dans l’impossibilité d’aider toutes les personnes qui en expriment le besoin, la structure détermine ses publics « prioritaires ». Ainsi, bien qu’initialement fondée sur le principe d’un accueil inconditionnel, Petits pots solidaires a dû définir des critères et des procédures pour traiter les demandeuses et leurs enfants. Or, cette évolution hiérarchise l’urgence des situations et distingue les bénéficiaires aux attitudes jugées adéquates de celles qui ne sont pas estimées conformes aux normes du « bon » comportement attendu. En revenant sur ces logiques et leurs dynamiques, l’article informe ainsi, à partir d’une situation singulière, la manière dont s’évaluent les situations d’urgence.

mots-clés : aide humanitaire, aide sanitaire, vulnérabilité, maternité, jugement moral, choix éthique, prise de décision


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

« Je considère qu’elle n’est pas dans le besoin ». Hiérarchiser les situations des mères précaires dans l’aide alimentaire d’urgence

À partir d’une enquête menée au sein d’une association qui distribue des colis d’urgence aux mères précaires et à leurs enfants, cet article interroge comment une organisation hiérarchise les demandes d’aide d’urgence qui lui sont adressées. En effet, comme les membres de Petits pots solidaires sont dans l’impossibilité d’aider toutes les personnes qui en expriment le besoin, la structure détermine ses publics « prioritaires ». Ainsi, bien qu’initialement fondée sur le principe d’un accueil inconditionnel, Petits pots solidaires a dû définir des critères et des procédures pour traiter les demandeuses et leurs enfants. Or, cette évolution hiérarchise l’urgence des situations et distingue les bénéficiaires aux attitudes jugées adéquates de celles qui ne sont pas estimées conformes aux normes du « bon » comportement attendu. En revenant sur ces logiques et leurs dynamiques, l’article informe ainsi, à partir d’une situation singulière, la manière dont s’évaluent les situations d’urgence.

mots-clés : aide humanitaire, aide sanitaire, vulnérabilité, maternité, jugement moral, choix éthique, prise de décision


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

Liderança ou cacique : figures d’autorité et dynamiques de pouvoir dans la région de Belo Monte (Amazonie brésilienne)

La construction de l’usine hydroélectrique de Belo Monte en Amazonie brésilienne a provoqué un désastre social et environnemental dès 2017. Après avoir situé cette infrastructure dans l’histoire régionale récente, présenté les contraintes posées aux populations pour accéder aux programmes de compensation et décrit les effets concrets de la mise en service du barrage, l’article s’intéresse au décalage entre les représentations militantes urbaines et les représentations locales rurales de la « résistance ». La situation ethnographique sur laquelle s’appuie la réflexion est une île située à deux heures et demi de bateau de la ville d’Altamira où vit une femme non indigène reconnue par les « mouvements sociaux » urbains comme une liderança, c’est-à-dire comme quelqu’un qui s’efforce inlassablement de tisser du collectif et travaille au bien commun. Toutefois, dona Dulce définit aussi sa position à l’aide d’un tout autre terme – celui de cacique –, en insistant sur la dimension hiérarchique qu’il suppose vis-à-vis de ceux qu’elle affirme représenter. Son usage de ce vocable semble prendre acte d’une communauté de destin qu’elle estime partager avec certains de ses voisins : des indiens dits desaldeados qui, vivant hors des Terres indigènes, ne bénéficient pas plus qu’elle de mesures de compensation mises en place par l’entreprise gérant le barrage. Mais il puise aussi au modèle non indigène du cacique en tant que patron dont les ordres sont censés être suivis par des dépendants. Cette situation met ainsi en évidence les multiples références des terminologies de l’autorité ainsi que les glissements et superpositions qui passent le plus souvent inaperçus. Elle incite en outre à avancer que la perception des inégalités territoriales dans le déploiement des programmes de compensation contribue à la persistance des préjugés envers les indiens des Terres indigènes et à l’adhésion aux thèses de l’extrême droite, ce qui se traduit parfois par le basculement de l’univers de la liderança à celui du cacique.

mots-clés : Amazonie, Belo Monte, inégalités territoriales, mobilisations sociales, représentation politique


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

Une mobilisation contre le jeu d’argent au tournant du XXIe siècle. Anciens problèmes moraux, nouvelles critiques ?

Dans le contexte d’une forte croissance mondiale des formes commercialisées des jeux d’argent, largement considérées aujourd’hui comme l’un des secteurs légitimes de l’industrie du divertissement, diverses formes d’opposition ont émergé au milieu des années 1990, un peu partout aux États-Unis et au Canada. Elles ont le plus souvent pris la forme de coalitions peu organisées et sporadiques qui n’ont pas réussi à construire un mouvement social à large échelle. Mon étude a portée sur l’une de ces coalitions, observée dans la région de Vancouver, au Canada, sous la forme d’une étude de cas approfondie à partir d’une série de controverses qui ont éclaté en 1994 autour de la construction d’un grand casino sur le front de mer, et qui se sont succédé sur une dizaine d’années. Une ethnographie des mobilisations, articulée au cadrage théorique de la construction sociale des problèmes publics, met en évidence la composition sociale du mouvement ainsi que les conditions qui ont poussé certains acteurs à s’engager dans une forme d’action collective considérée comme perdue d’avance, rétrograde et parfois assimilée par ses détracteurs aux anciens mouvements conservateurs de réforme morale. L’article examine de quelle manière se recompose, en dépit des efforts militants, un balancement entre des registres de moralisation, “démoralisation” et “remoralisation” du jeu d’argent, en articulation avec le recours à un registre d’expertise. Contrairement à ce à quoi l’on aurait pu s’attendre en raison de la prégnance actuelle de la notion, plus que la dénonciation de l’addiction, ce sont des questions de la légitimité de l’économie du jeu d’argent, de l’utilité sociale de ses revenus et de l’affectation de la somme que les pouvoirs publics prélèvent sur les revenus du jeu qui ont été placées au cœur de la critique de jeux d’argent.

mots-clés : jeu, mouvement anti-jeu, casino, Vancouver, Canada, problèmes publics, expertise, mouvement de réforme morale, anthropologie politique


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

Réflexions sur une vie de paris

J’évoque ici mes premiers paris hippiques lorsque j’étais adolescent, puis étudiant à l’université de Cambridge, pour lesquels je me basais sur des techniques statistiques. Cette expérience de l’économie de marché en tant qu’acteur prenant des risques a influencé mon approche de l’anthropologie économique, à la fois dans mon travail de terrain au Ghana et dans mes explorations ultérieures de l’argent. Je passe ensuite en revue une partie de la littérature sur les paris dans les marchés financiers, en établissant une distinction entre ceux qui gagnent de l’argent et ceux qui se contentent de le prendre comme il vient. Je conclus par quelques observations sur l’argent en tant que religion du capitalisme, et sur mon approche de l’étude de ce que je nomme « l’économie humaine ».

mots-clés : paris, anthropologie économique, monnaie, finance, capitalisme, religion


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

« Presque tout le monde le fait… ». Jouer et parier sur l’avenir dans l’ouest du Kenya

Cet article traite de la façon dont les Kenyans de l’Ouest planifient leur devenir de manière contrastée en examinant trois pratiques de jeu différentes, observées dans un groupe domestique patrilinéaire. Alors que la participation à la loterie nationale implique une compréhension du futur tel qu’il est organisé par d’autres acteurs et, en principe, projetable, on observe ici la pratique consistant à placer régulièrement des paris à faible risque sur des matchs de football comme une conséquence de l’impossibilité de planifier son avenir à long terme. Puis, est décrite une troisième conceptualisation, en examinant de près un système de paris que l’un des interlocuteurs de l’enquête avait mis au point pour toucher un jackpot hebdomadaire. Le système qu’il a conçu suppose que l’avenir se développe à partir du présent selon des modalités qui, bien que très difficiles à saisir, sont définies justement par ce présent. L’article conclut en distinguant trois façons dont les jeux d’argent appréhendent l’avenir : en renonçant à sa certitude, et en essayant de l’améliorer et l’inventer.

mots-clés : pari, futur, jeux de hasard, argent, exclusion socio-économique, Kenya


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

« T’as remboursé ta soirée ! » Magic : the Gathering, entre jeu, collection et gain monétaire

Magic : the Gathering est l’un des plus anciens jeux de cartes à collectionner. En raison de cette double dimension, de jeu et de collection, certaines cartes sont plus recherchées que d’autres, pour leur rareté, pour leur usage en jeu ou, justement, pour la collection. À partir du cas de Magic, cet article propose d’étudier comment les joueurs gèrent l’acquisition de cartes de valeurs lors d’évènements ludiques ou d’ achats en boutique de jeux. Grâce à des observations participantes, l’enquête explore la façon dont les acteurs se réfèrent à ces valeurs. Les matériaux révèlent que les joueurs adoptent des attitudes tournées moins vers la recherche de réussite dans le jeu que vers la recherche de gains en cartes, au travers d’un calcul coût/bénéfice. L’article souligne que les participants contrebalancent le caractère aléatoire des situations de jeu en recherchant l’expérience d’un remboursement de leur participation. Les joueurs se tournent vers ce marché secondaire de la carte à jouer afin de mieux contrôler les dépenses liées au jeu.

mots-clés : marché secondaire, jeux de cartes, collection, valeur


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

« Nous, notre boulot, c’est qu’ils jouent ». Tensions morales et exercice de la régulation des jeux d’argent dans le métier de buraliste

Cet article restitue les tensions morales auxquelles se confrontent les buralistes dans leur rôle de régulateurs des jeux d’argent, et examine les stratégies qu’ils élaborent pour concilier engagement ludique, impératif commercial, et enjeux éthiques face au stigmate lié à cette activité. Alors qu’une nouvelle politique nationale de régulation du jeu émerge (via la nouvelle Autorité nationale des jeux – ANJ), étudier les arbitrages moraux et les pratiques des principales figures de cette régulation au quotidien semble primordial. Cet intérêt pour la condition des buralistes est d’autant plus nécessaire qu’ils font figure d’interface d’un nombre croissant de transactions monétaires hors de tout cadre ludique (comptes Nickel, paiement de facture, d’amendes, de l’impôt, etc.). Ces échanges les positionnent en agents du contrôle social de populations dont le rapport à l’argent est construit comme incertain, voire déviant.

mots-clés : interactions marchandes, jeux d’argent, jeux de hasard, pratiques ludiques, régulation sociale, pouvoir discrétionnaire, délégation de service public, tensions morales


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

Les turfistes de Varsovie. Récits autobiographiques autour des courses hippiques

Cet article analyse les stratégies narratives employées par les turfistes de sexe masculin, pour ce faire, j’ai conduit vingt entretiens semi-directifs avec des turfistes réguliers de longue date de Varsovie, en Pologne. J’y évoque la manière dont les joueurs présentent leur biographie et emploient des méthodes discursives pour se protéger contre des interprétations négatives de leurs pratiques. L’enquête révèle comment leurs discours de l’ordre de l’émotion, décrivent leur intérêt pour les courses comme une passion originale, qui s’est développée à l’époque communiste. Les émotions ne sont pas présentées comme étant déclenchées par des besoins compulsifs, mais comme résultant d’une passion intellectuelle, entretenue par des personnes partageant les mêmes idées et unies par une volonté d’action et un besoin de liberté.

mots-clés : courses hippiques, jeu d’argent, entretien, émotions, Pologne


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

Introduction. Une approche anthropologique des jeux d’argent

Cet article présente le numéro « Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent » en livrant une introduction substantielle à cette thématique abordée d’un point de vue anthropologique. Il rappelle les difficultés conceptuelles que soulève l’expression ‘jeu d’argent’ ainsi que les condamnations religieuses et morales que ces jeux ont subies. Il donne un panorama de la diversité des jeux d’argent en considérant quatre éléments essentiels pour comprendre leurs ressorts : le pari qui lie entre eux les joueurs et joueuses, l’organisation que supposent souvent ces jeux, le rôle de l’État, la dimension spectaculaire de ces jeux. En chemin, sont abordées les notions de contrat ludique, de confiance, de clandestinité, de hasard. Le texte annonce ensuite les contributions du numéro qui traitent surtout des jeux les plus populaires et les plus médiatisés aujourd’hui. Ce sont de riches ethnographies qui analysent de nombreuses pratiques ludiques ayant cours dans des pays aussi différents que la France, la Pologne, le Kenya, etc., avec souvent des dimensions globalisées. Une vaste bibliographie sur ces questions conclut cette introduction.

mots-clés : jeu, jeu d’argent, jeu de hasard, État


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

Les ancrages territoriaux différenciés des hippodromes en France

Cet article analyse les formes d’ancrage territorial des hippodromes en France à partir d’une approche multiscalaire qui met principalement l’accent sur la région des Hauts-de-France. Si la France dispose du plus dense réseau d’hippodromes en Europe, leur nombre a très fortement diminué depuis un siècle. Cette évolution contraste avec la progression du marché des jeux d’argent, dans lequel les paris hippiques, bien qu’en recul relatif, représentent un enjeu économique important pour l’ensemble de la filière équine. L’article cherche à montrer la diversité des ancrages territoriaux des hippodromes, selon leur rayonnement, leur fréquence d’utilisation et leurs usages hippiques et non hippiques. Si certains hippodromes constituent de véritables pôles économiques structurants, d’autres n’accueillent que quelques réunions annuelles. Ceux-ci s’inscrivent alors davantage dans des processus de patrimonialisation et de festivalisation à l’échelle locale. En revanche, d’autres hippodromes remplissent aujourd’hui des fonctions élargies : équipements multifonctionnels ouverts aux manifestations municipales, lieux de loisirs familiaux ou encore supports d’aménagement territorial. Ainsi, les ancrages territoriaux des hippodromes reposent sur trois paradigmes complémentaires : patrimonial et identitaire, économique, et/ou territorial. Ils demeurent ainsi des équipements qui articulent logiques locales et intégration dans l’espace mondialisé des paris en ligne.

mots clés : hippodrome, paris hippiques, ancrage territorial, patrimonialisation, Hauts-de-France


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

La géographie du PMU : quand les courses font rejouer l’histoire coloniale

À partir d’analyses localisées et d’enquêtes qualitatives menées sur différents terrains (France, Bénin, Sénégal, Côte d’Ivoire), l’article analyse les dynamiques spatiales de la société PMU. Confrontée au recul des points de vente (fermeture des petits bars et restaurants dans les villes et villages en France) et à la nécessité de trouver de nouvelles stratégies commerciales (enjeu de la numérisation), le PMU développe le marché des outre-mer (DROM) et de l’étranger, notamment Afrique de l’Ouest. Cet élargissement de la pratique du pari hippique à des zones historiquement peu concernées mais dont les liens avec la France sont hérités de la colonisation montre une forme de mondialisation par les paris hippiques, rendue possible par l’évolution des moyens de communication.

mots-clés : pari mutuel urbain, paris hippiques, implantation des organisations, Afrique de l’Ouest, départements et régions d’outre-mer, colonisation


Numéro 48 – juin 2025 Espaces, temporalités, contextes sociaux des jeux d’argent

/

test 47 article lecalvé

Introduction

Dans cette salle de plain-pied du Tieranatomisches Theater, nous nous trouvons sous un radiateur, dans un couloir circulaire, entre deux salles d’exposition. (Fig. 13) Ici, toutes sortes de tissus s’accumulent. L’un des tissus nous parle : « Bonjour, je suis un minuscule vieux fragment de fourrure échappé de l’exposition « Tiere be-handeln ». Pour les visiteurs, je ressemble à une simple particule de poussière tombée sous le radiateur – il doit y avoir un vent thermique qui[…]


Tests

/

Mises à l’écart dans les steppes. Un confinement partagé avec une famille d’éleveurs en Mongolie

Cet article présente un épisode particulier du terrain de recherche de l’auteure lorsqu’elle s’est retrouvée confinée avec une famille d’éleveurs-agriculteurs bouriates dans les steppes du nord-est de la Mongolie. Cette quarantaine ciblée, qui ne concernait que cette famille, s’est produite à un moment de crise en Mongolie : le gouvernement apprenait la présence du coronavirus sur le territoire suite à l’arrivée d’un Français infecté, après des mois de vigilance et de consignes sanitaires suivies à la lettre par les habitants. Cette expérience singulière de mise à distance fait paradoxalement ressortir certains aspects généraux de la sociabilité mongole. D’une part, elle met en lumière une texture des relations sociales faite d’éléments a priori contradictoires – de solidarité et de circonspection, de confiance et de méfiance, de proximité et d’éloignement. D’autre part, elle permet d’avancer l’hypothèse d’une juste distance, un intervalle de sécurité qui serait constamment recherché dans les interactions.

mots-clés : Mongolie, sociabilité, Covid, quarantaine, juste distance


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/

Du « sous-terrain » au « sous-film » : retours réflexifs sur la réalisation et la construction d’un film de recherche

Cet article propose de rendre compte d’un travail ethnographique filmique dans le cadre d’une recherche doctorale. La mobilisation de l’approche filmique dans ce travail doit se comprendre en lien avec l’objet de cette recherche qui visait à interroger les représentations dominantes sur les quartiers dits prioritaires et leurs implications en termes d’espace vécu pour les habitantes et les habitants de ces espaces urbains. Cet accent mis sur l’espace vécu a incité à penser une autre manière de “faire du terrain” en mobilisant la méthode audiovisuelle afin d’appréhender une dimension sensible difficilement transmissible par l’écrit. Le film n’est pas pour autant un simple reflet de la réalité, mais une construction de celle-ci caractérisée par une intention de recherche et une démarche ethnographique. En donnant à lire cette construction du film de recherche, le présent article souhaite mettre en lumière et de manière réflexive le sous-texte ethnographique, les questionnements et les arrangements nécessaires à une telle démarche de recherche.

mots-clés : quartiers dits prioritaires, espace vécu, film documentaire, ethnographie filmique


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/

Adopter le point de vue des choses. Essai ethnographique sur une recherche-exposition virtuelle au Théâtre Anatomique Vétérinaire de Berlin

« TATour » est le titre d’une exposition virtuelle et d’une enquête préliminaire menée en 2020 au Tieranatomisches Theater à Berlin (Université Humboldt). Ce terrain collaboratif a servi de préambule à la création d’une exposition dans cet espace muséal, basé dans un ancien théâtre anatomique vétérinaire (Stretching Materialities, 2021-2022). Contraints par la crise sanitaire du COVID, nous avons investi nos efforts dans l’élaboration d’une visite numérique qui met l’accent sur les activités visibles et invisibles qui y perdurent, même lorsque les visiteurs n’y ont plus accès. Cet article présente le processus de fabrication de cette œuvre immersive, ainsi que la manière inhabituelle de “faire du terrain” que ce processus a engendré : une série de fabulations à 360° avec et sur l’espace d’exposition, générée en particulier par une pratique de l’esquisse.

mots-clés : exposition virtuelle, ethnographie multimodale, fabulation immersive, esquisse numérique


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/

Le musée en réflexion. Une expo-fiction au musée Fenaille de Rodez

Le musée de Fenaille de Rodez a monté en 2010-2011, et à nouveau en 2022-2023, une exposition temporaire, Rolling, fondée sur l’imagination d’un auteur jeunesse, Olivier Douzou. En écho avec la collection permanente de statues-menhirs qui fait la célébrité du musée, le dispositif met en scène la figure d’un scientifique singulier, Henri Mattuse, père de la cinélithique, et sa passion pour les déplacements des pierres. L’article montre comment cette installation, pleine d’humour et d’incohérences, sème le trouble chez le public. Les auteurs décrivent la gamme des attitudes et réactions recueillies et établissent que l’exposition fonctionne comme un embrayeur de réflexivité, non seulement à l’égard des autres pièces du musée mais d’une manière plus générale vis-à-vis du discours scientifique et des formes plurielles de vérité dans notre société.

mots-clés : expo-fiction, muséographie, museum studies, réflexivité, statues-menhirs


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/

Désordres affectifs dans l’institution muséale. Éclairages littéraires par Javier Marías, Thomas Bernhard et Ben Lerner

Si la visite au musée était un topos du roman d’éducation du XIXe siècle, le roman contemporain est plus que jamais fasciné par les interactions possibles entre ses personnages et le musée, d’un point de vue aujourd’hui élargi à tous les acteurs de l’institution (visiteurs réguliers ou occasionnels, gardiens, conservateurs, experts etc.). Les ressorts de la fiction – caractérisation, dramatisation et invention – permettent de créer des situations imaginaires, incongrues ou extravagantes, qui problématisent la complexité de la relation à l’art aujourd’hui. Cette contribution propose de faire dialoguer les textes de trois romanciers (Javier Marías, Thomas Bernhard et Ben Lerner) qui chacun invitent les lecteurs à repenser un certain nombre de paradigmes liés à l’émotion forte qui peut se produire dans un contexte institutionnel invitant traditionnellement à la réserve et la déférence. Par le dispositif de médiation qu’ils mettent en œuvre entre visiteur, gardien, expert ou directeur de collection, ces extraits exacerbent les contradictions inhérentes à l’institution muséale pour en déstabiliser les discours traditionnels.

mots-clés : le musée dans la littérature, expérience esthétique, roman conservatoire, émotions, détachement, fictionalité, référentialité, Javier Marías, Thomas Bernhard, Ben Lerner


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/

Une intrusion cachée par une inclusion controversée. L’acquisition d’artefacts zapatistes par le Reina Sofía de Madrid

L’objectif de cet article est d’interroger la dimension politique de la patrimonialisation d’artefacts produits par les communautés autonomes du Chiapas et acquis en 2021 par le musée Reina Sofía de Madrid, dans le cadre d’une réorganisation de ses collections à visée décoloniale. En retraçant le processus d’acquisition de ces artefacts et leur mise en scène dans les collections du musée, nous souhaitons faire émerger la dimension critique de cette exposition des productions autochtones sur une scène majeure de l’art européen. Notre analyse porte avant tout sur les choix qui sous-tendent cette opération patrimoniale, à partir d’entretiens conduits avec les responsables des collections du musée ainsi que les dynamiques de réécriture de l’héritage colonial qui en résultent. Pour ce faire, nous mettons en résonance l’étude du processus de patrimonialisation de ces artefacts avec les discours produits par les zapatistes eux-mêmes et ceux des réseaux militants soutenant leur voyage en Europe en 2021. Cette acquisition, qui participe de la politique d’inclusion d’objets produits par des acteurs du Sud dans le discours muséal, se révèle être un cas singulier d’intrusion. L’enquête ethnographique dévoile les controverses de processus de patrimonialisation et la situation exceptionnelle qui permet l’arrivée en Europe des productions zapatistes. Elle permet de saisir la portée politique de cette intrusion cachée.

mots-clés : ethnographie, patrimonialisation, réécriture de l’histoire, études décoloniales, mouvement zapatiste


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/

Le n’importe quoi, l’importun et l’important dans les musées de société

Cet article s’appuie sur des travaux menés depuis plusieurs années sur la construction des patrimoines et des rapports entre les collectionneurs, leurs héritiers et les musées de société. À partir du constat d’un fondateur d’un petit musée local, j’ai réfléchi à l’idée selon laquelle certains musées acceptent tout ce dont les gens veulent se débarrasser, ce qui m’amène à revenir sur les principes de collecte des musées fondant leurs savoirs sur les sciences sociales, notamment l’ethnologie. Pour cette discipline, le « n’importe quoi » est réputé représentatif, il est ce qui importe pour comprendre une société. Mais en pratique, les professionnels se retrouvent confrontés à une masse matérielle encombrante, qui rend certains objets ou ensembles d’objets importuns. L’article tente d’analyser cette dynamique de l’importun et de l’important, à partir d’étude de cas, d’héritages donnés au musée, de déchets a priori incongrus mais finalement dignes d’intérêt, pour considérer les possibilités d’adaptation des musées à la surabondance matérielle contemporaine.

mots-clés : patrimoine, musées de société, héritage, collection, déchets, collectionneurs, collecte


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/

Quand des intrus forcent les portes de l’institution, les règles vacillent. Entretien avec Florence Pizzorni

À partir des nombreuses expériences professionnelles de Florence Pizzorni, matière première de plusieurs articles publiés dans différentes revues, cet entretien aborde la question de l’intrusion dans les musées en explorant différentes échelles de perturbations. Il peut s’agir de celles causées par un objet présent dans les collections et qui devient source d’inquiétude ou de tourment pour le personnel, mais aussi d’objets qui, par leur nature ordinaire, triviale, indigne, ébranlent les critères habituels servant à qualifier les objets dotés d’une valeur muséale. Simple carton de SDF, vélo « atypique » par exemple. Ces objets de musées sont des intrus dans le monde des musées ; ils nécessitent, de la part des professionnel, un traitement spécifique, les normes qui régissent les opérations de conservation et de restauration étant singulièrement inappropriées pour eux. Courent en filigrane de cette discussion les difficultés d’insertion du MNATP dans le champ muséal, le décalage perpétuel qui existait entre cet établissement issu du monde de la recherche et le cénacle des grands musées de beaux-arts. Le propos de Florence Pizzorni contribue à mieux saisir les questions que soulève la prise en compte du patrimoine immatériel dans les pratiques muséographiques et expographiques des musées d’anthropologie.

mots-clés : musée, musée de société, musée d’ethnologie, sorcellerie, exclusion, collection de musée, patrimoine culturel immatériel (PCI)


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/

(Re)trouver sa place au musée : le cas des conservateurs et conservatrices à la BnF

Au sein de la BnF, l’émergence d’un nouvel espace d’exposition des objets et d’un service muséal chargé de son fonctionnement entraîne une redéfinition de prérogatives et de frontières professionnelles qui apparaissent rétrospectivement comme étant jusque-là stabilisées. Au cœur de cette redéfinition, les conservateurs et conservatrices, chargés des expositions temporaires développent des stratégies pour conserver une place centrale dans l’organisation du travail, tandis que d’autres catégories d’agents bénéficient de la création du musée en affirmant leur propre juridiction professionnelle.

mots-clés : bibliothèque, musée, métier de conservateur, juridiction professionnelle


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/

La réception, dans le milieu de l’art contemporain, des interventions non autorisées d’artistes sur des œuvres exposées dans des musées

Cet article s’intéresse à l’étude de la réception des actes de vandalisme artistique qui ont lieu dans des musées et considère ces actes à travers le prisme des réactions sociales qu’ils suscitent. L’étude est ici centrée sur le vandalisme artistique, c’est-à-dire sur ces atteintes effectuées dans une optique créative. Envisageant le phénomène du point de vue de sa réception, cet article prend pour objet les discours produits autour de ce phénomène, notamment la manière dont le milieu de l’art et des musées gère et « digère » ces gestes. La réception des actes de vandalisme artistique doit être considérée de manière spécifique : leurs auteurs ayant la particularité d’attaquer l’art autant qu’ils s’en revendiquent, ces gestes concernent à double titre le milieu de l’art. L’analyse se centre donc sur les réactions des acteurs concernés directement par ces atteintes, ou y réagissant publiquement. La première partie de l’article se concentre sur les réactions des responsables de musées qui sont la cible d’actes de vandalisme. La deuxième partie se focalise sur trois études de cas. Les réactions à ces trois cas de vandalisme artistique sont particulièrement riches à analyser car ils ont donné lieu à des polémiques et à des prises de position marquées au sein des milieux de l’art, notamment en raison des poursuites qui ont été engagées à l’encontre de leurs auteurs.

mots-clés : vandalisme, musée, patrimoine, dégradation, intervention, art, œuvre


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/

Deux siècles de normes et de contrôles dans les musées nationaux

Depuis leur création il y a plus de deux siècles, les musées nationaux s’efforcent de contrôler la présence et les actions des personnes accédant en leur sein, que ce soit pour se prémunir d’éventuelles menaces ou pour faire respecter un certain mode de comportement. L’administration des musées a régulièrement été amenée à modifier la réglementation mise en place, afin de s’adapter à de nouveaux contextes, mais plus globalement pour répondre à une évolution des comportements ou des attentes du public. Cet article se propose d’aborder cette question à travers les sources d’archives produites par l’administration sur le temps long, faisant ainsi ressortir les continuités, les ruptures et les évolutions.

mots-clés : musées nationaux, règlements, publics


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/

À la recherche d’intrus agissant dans les musées. Un itinéraire en forme de braconnage

Agir en intrus dans les musées n’est peut-être pas ce que l’on croit. C’est du moins l’impression que l’on peut tirer de la lecture des contributions de ce numéro thématique d’Ethnographiques.org, dont cette présentation s’efforce de rendre compte en dégageant quelques pistes de réflexion. L’exercice de synthèse s’est avéré difficile, et ne prétend pas à l’exhaustivité. Si la multiplicité des musées n’est ici qu’esquissée, sur la base d’un certain nombre d’exemples européens et plus particulièrement français, les perspectives tracées par les autrices et auteurs décrivent une variété de formes d’intrusion, dont les origines, les agents, les modalités et les effets le plus souvent diffèrent. Leur point commun ? Nous interpeller quant au caractère paradoxal de ces étranges machines que sont les musées, ces espaces de savoirs et de patrimoines institués, en butte à leurs présents indociles. Ne s’agirait-il pas de reconnaître, dans les ouvertures heuristiques et les transformations que ces intrusions induisent, une valeur pragmatique et une complexité conceptuelle ordinairement négligées ?

mots-clés : études patrimoniales, muséologie, musées, patrimoine, intrus, intrusions, collections, expositions, public, visiteurs


Numéro 47 – juin / décembre 2024 Agir en intrus dans les musées. Inclusions, controverses, exclusions et patrimoines

/