Gringa, habille-toi ! Le corps vêtu, un texte caché des Andes

Pourquoi les habitants d’une communauté des Andes péruviennes ne cessent d’inviter « l’étrangère blanche » à vêtir les jupes locales ? L’article défend l’hypothèse que ces injonctions vestimentaires sont l’indice d’un « texte caché », au sens de James Scott. Grâce à son maniement, mes interlocuteurs résistent à bas bruit au texte officiel – raciste – des rapports de pouvoir dans les Andes : en habillant et déshabillant là où le racisme hégémonique blanchit et indianise. Pour ce faire, cet article met en œuvre une perspective métaréflexive et une anthropologie attentive aux dires minuscules du quotidien quechua et espagnol. J’analyse d’abord comment mes interlocuteurs détricotent les taxonomies dominantes (indio, gringo, mestizo) et opposent, en dernière instance, l’« indienne vêtue » au « blanc nu ». Je montre ensuite que ce contre-texte vestimentaire manipulé dans les communautés s’appuie sur un rapport de domination local – entre les hommes et les femmes –, en resignifiant la pratique d’« habiller l’épouse ».

mots-clés : Andes, vêtement, racisme, anthropologie sociale langagière, quechua, texte caché.


Numéro 44 – Décembre 2022 Le genre en train de se faire : trouble dans le terrain

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