Des digues agricoles entre intérêt général et bien commun

Les conflits entre acteurs publics de l’eau et agriculteurs privés sont souvent présentés comme la confrontation d’intérêts antagonistes, opposant l’intérêt général aux intérêts particuliers, et les valeurs écologiques aux valeurs économiques. L’élaboration d’un plan de gestion du Buëch (Hautes-Alpes) a localement déclenché ce type de conflit, et ce malgré la démarche de concertation initiée par les gestionnaires du bassin versant. L’objectif consistant à redonner un espace de libre expansion à la rivière a en effet suscité la vive opposition des agriculteurs et des élus locaux, car ce projet implique la destruction de digues agricoles séculaires. En s’attachant à décrire les différentes dimensions de ce conflit, cet article montre la pluralité des rationalités environnementales et des subjectivités morales qui sous-tendent les positions des différents acteurs, ainsi que leur caractère politique. Cette contribution déconstruit la représentation d’un intérêt général univoque qui s’opposerait à des intérêts particuliers comptables, et appelle à reconnaître la diversité des modes d’attachements à la nature et des façons de se soucier du bien commun.

mots-clés : eau, agriculture, Hautes-Alpes, conflit, rationalité environnementale, subjectivité morale.


Numéro 39 – juin 2020 Incidents heuristiques