Ethnographier en féministe : l’art des conséquences

Dans cette introduction, nous présentons un aperçu “indiscipliné”, à la fois rétrospectif et prospectif, sur l’ethnographie féministe. Revenant sur le développement des études genre, nous identifions trois inflexions importantes qui ont été articulées au cours des quarante dernières années et émergent de façon saillante aujourd’hui : premièrement, les dynamiques genrées qui sous-tendent la production des connaissances scientifiques ; deuxièmement, les effets réifiants et discriminants des systèmes sociaux de catégorisation ; et troisièmement, les hypothèses biologisantes et binaires qui fondent l’ordre du genre et sont au coeur de la division entre nature et culture opérée dans la pensée occidentale moderne. Nous projetant dans le futur, nous décrivons quatre questionnements caractéristiques du champ multidisciplinaire de l’ethnographie féministe contemporaine, qui conduisent à des degrés divers à un “décentrement” de l’objet de la recherche, à une complexification de la question de la parole, à l’expérimentation de pratiques de représentation alternatives et à une éthique du care, de l’attention et de l’engagement. Nous concluons en encourageant les chercheuses intéressées à poursuivre l’expérimentation de perspectives innovantes et “troublantes” sur lesquelles l’analyse de genre a été fondée et continuera de se développer.

mots-clés : études genre, ethnographie féministe, savoirs situés, distinction sexe/genre, nouveaux féminismes matérialistes, intersectionnalité, représentation, éthique du care


Numéro 44 – Décembre 2022 Le genre en train de se faire : trouble dans le terrain

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