Que reste-t-il du sujet dans la démence ? Enquêtes dans deux institutions de soins tournées vers « la personne »

En France, l’avancée des droits des patients dans les institutions de soins dites « totales » a participé à la promotion de l’autonomie de l’usager et la mise en place de projets tournés vers « la personne ». Dans les EHPAD (Établissements pour personnes âgées dépendantes) ou dans les FAM (Foyers d’accueil médicalisés) spécialisés dans l’accueil de patients souffrant de démences (Alzheimer, démence frontotemporale), les soignants sont fortement encouragés à dépasser l’interprétation purement neuronale du comportement des résidents. C’est « la personne » et non « le cerveau » qu’il faut placer au centre de l’expérience médicale. Néanmoins, ce principe est exigeant. Car comment établir avec l’autre une relation interpersonnelle alors qu’il est atteint d’une maladie qui désintègre précisément le langage, la mémoire et la personnalité ? Cet article travaille l’ambiguïté qui caractérise le soin pour les personnes atteintes de démence et décrit deux situations où se manifestent les problèmes, le malaise, et l’inquiétude des soignants à s’adresser à une subjectivité dont la continuation même est menacée. Pour ce faire, nous avons enquêté séparément dans deux établissements et présentons deux récits de cas qui mettent en évidence les épreuves, les difficultés et les efforts engagés pour saisir, protéger ou retenir ce qu’il reste de la subjectivité des personnes dans ces maladies.

mots-clés : démence, la personne, institutions totales, ethnographie


Numéro 46 – Décembre 2023 Ethnographier les institutions totales

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