Le faire-comparer. L’intersubjectivité à l’œuvre dans les échanges marchands euro-marocains

Cet article présente un processus d’enquête nommé le « faire-comparer ». Celui-ci implique les acteurs du terrain autant qu’il implique l’ethnographe lorsque les deux partagent une même origine. L’échange permet de faire éliciter les imaginaires, les ambivalences et les représentations des enquêté.es, en mobilisant à la fois les confrontations et les connexions qui se jouent dans les modes d’appartenance de chacun. Ce n’est plus seulement le chercheur qui compare mais aussi les enquêté.es. À partir de différents terrains ethnographiques sur les échanges marchands entre le Maroc, la France et la Belgique, l’article décrit tout d’abord la mise en circulation commerciale des objets et des services initiés par des entrepreneur.es d’origine marocaine en Europe. Dans un second temps, il discute les enjeux théoriques de la démarche comparative, lorsque l’enquêté.e est invité.e à contribuer à la méthodologie et à l’analyse de la recherche. À la lumière des dévoilements qui se révèlent à travers le faire-comparer, la dernière partie de l’article est consacrée aux desseins de la comparaison dans le contexte de l’entrepreneuriat transnational.

mots-clés : anthropologie, comparaison, diaspora, circulation transnationale, diaspora marocaine


Numéro 41 – juin 2021 Ce que la comparaison fait à l’ethnographie

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Pour une comparaison « au ras du sol »

En guise d’introduction, cet article indique la perspective dans laquelle sont envisagées, dans ce numéro, les relations entre ethnographie et comparaison. Longtemps perçue comme une voie royale d’accès à la découverte de lois générales en anthropologie, la comparaison est au contraire appréhendée ici comme essentielle au travail ordinaire de l’ethnographe sur le terrain, tant pour comprendre et analyser un espace social et culturel spécifique que dans la pratique d’une ethnographie multisituée. Le premier comparatisme auquel se confronte le chercheur n’est-il pas en effet celui de ses interlocuteurs ?

mots-clés : comparaison, ethnographie, réflexivité, construction de comparables


Numéro 41 – juin 2021 Ce que la comparaison fait à l’ethnographie

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Jeunes musulmans et citoyenneté. Défis et apports d’une ethnographie comparée Italie-France.

Cet article propose un retour réflexif sur ma thèse de doctorat en science politique, consacrée au rapport entretenu par des jeunes musulmans, enfants d’immigrés, à la citoyenneté. Il porte en particulier sur l’évolution du dispositif d’enquête comparatif, liée au défi de la traduction des catégories d’analyse. Cittadinanza/citoyenneté, tout comme nazionalità/nationalité, ne sont pas des termes complètement équivalents, ce qui n’a pas été sans effets sur l’accès et la réalisation des terrains. Ces aspects ont non seulement modifié la trajectoire de la recherche, devenue résolument plus ethnographique, mais ils ont été heuristiques pour la construction de l’objet lui-même. Le choix de ne plus considérer les termes clés comme des catégories analytiques mais comme des catégories indigènes sur lesquelles enquêter, a permis de se focaliser sur l’essor et les effets – notamment nationalisants et dépolitisants – d’un “parler citoyenneté'” au sein de deux associations dites « de jeunes musulmans », l’une en Italie et l’autre en France.

mots-clés : Citoyenneté, jeunes, islam, comparaison, France, Italie, association, ethnographie, traduction, nation.


Numéro 41 – juin 2021 Ce que la comparaison fait à l’ethnographie

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Réflexions comparatives autour du contrôle de la violence dans les affrontements rituels de Zitlala (Mexique) et de San Pedro de Macha (Bolivie)

À Zitlala au Mexique et à San Pedro de Macha en Bolivie se déroulent chaque année des combats rituels où les protagonistes s’affrontent à poings nus dans un échange de coups portés sans retenue. Ces rixes, loin d’être une singularité ethnographique, s’inscrivent dans un registre de pratiques physiques dont les autorités morales et politiques ont de tout temps tenté de contrôler et de limiter l’expression mais qui étaient largement répandues dans le monde avant le XXe siècle et le développement hégémonique du sport. Si les combats de Zitlala (xochimilcas) et de San Pedro de Macha (tinku) sont proches dans leurs principes (aires d’affrontement fluctuantes au sein d’une foule, absence de techniques pugilistiques, forte consommation d’alcool), leur déroulement en revanche diffère au sujet du contrôle de la violence entre les protagonistes : arbitrage collectif pour Zitlala, présence de forces de l’ordre pour San Pedro de Macha. Dans une perspective comparative, nous étudierons ici les différentes stratégies déployées par les acteurs sur les deux terrains pour éviter que la confrontation ne verse dans la bagarre générale, toujours affleurante.

mots-clés : comparaison, affrontement, autocontrôle, combat, jeu, rituel, sport, violence


Numéro 41 – juin 2021 Ce que la comparaison fait à l’ethnographie

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Vierges sacrées chinoises et dévotions mariales : Notre Dame de Chine de Paris

Nichée au cœur de la paroisse St Hyppolite du XIIIe arrondissement de Paris, Notre Dame de Chine fournit l’intrigue qui motive et oriente un parcours comparatif des images cultiques de la Vierge Mère qui circulent au sein du catholicisme chinois. Le paradoxe des Vierges à l’enfant alimente un double processus de symbiose syncrétique et de synthèse, dans les récits légendaires, les sites cultuels comme dans la statuaire des temples, entre la figure de Guanyin, la déesse mère à la fleur de lotus des dévotions bouddhistes, et la Madone à l’enfant des missions étrangères adoptée par les chrétiens chinois. Les glissements de sens et le fondu enchaîné des images cultiques masquent les métamorphoses de la « Dame blanche », vierge porteuse d’enfants, à bonne distance des déesses de la compassion Guanyin et Mazu qui sortent dans la rue, notamment lors des fêtes du Nouvel An chinois. La rencontre entre la dévotion mariale et la piété filiale de la messe des ancêtres, inscrite dans la liturgie de Notre Dame de Chine, en écho à l’ancienne querelle des rites, relève des bricolages d’un catholicisme « inculturé » qui entend s’affirmer comme une composante authentique de la religion chinoise.

mots-clés : comparaison, Catholicisme chinois, symbiose syncrétique, déesse des dévotions bouddhistes, métamorphoses de la vierge porteuse d’enfants, dramaturgie du nouvel an chinois.


Numéro 41 – juin 2021 Ce que la comparaison fait à l’ethnographie

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Comparer l’invisibilisation des techniques dans le travail de narration audiovisuelle d’un grand spectacle : un siècle de production filmique sur la Fête des Vignerons

Cet article propose de comprendre comment les travaux de captation, de médiation et de narration audiovisuelles participent à la construction de représentations audiovisuelles d’une performance scénique, la Fête des Vignerons de Vevey. L’article revient sur l’invisibilisation de ces activités dans les productions patrimoniales qui en résultent. Il s’appuie sur deux méthodes, l’observation ethnographique permettant de saisir le réseau sociotechnique complexe de la fabrique audiovisuelle et les moments-clés durant lesquels la narration du produit audiovisuel et l’invisibilisation des techniques de captation et de médiation sont co-construites, ainsi que la mise en comparaison d’images d’archives permettant de saisir en partie ce réseau sociotechnique et les re-mobilisations de sa narration audiovisuelle. Comment étudier les représentations visuelles d’une même célébration patrimoniale à travers plus d’un siècle ? Est-il possible de produire des connaissances en comparant les représentations audiovisuelles de cette célébration ? Comment, dans chacun de ces cas, se (re)construit la narration audiovisuelle et comment cette construction est rendue invisible dans les produits ensuite mis en circulation ? Qu’est-ce qu’une telle démarche peut nous apprendre des procédés de patrimonialisation à l’œuvre ?

mots-clés : comparaison, narration audiovisuelle, spectacle, analyse d’images, film, invisibilisation, Fête des vignerons, ethnographie, vidéo-ethnographie, réflexivité méthodologique, patrimonialisation


Numéro 41 – juin 2021 Ce que la comparaison fait à l’ethnographie

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Présentation

I. Introduction
Le 10 janvier 2020, le magazine Vie Pratique Féminin, publiait un article faisant le « zoom sur 26 jeunes femmes, qui grâce à leur beauté époustouflante, sont passées du statut d’instagrameuse à celui de mannequin professio…

Performer pour durer

Faisant le choix d’adopter une approche critique et de partir des discours des acteurs, producteurs et réalisateurs de films pornographiques gay, cet article vise à montrer que les injonctions du travail pornographique et les logiques de profess…

La fabrique de la beauté ethnique

L’industrie cosmétique brésilienne s’est construite autour de normes de beauté qui faisaient la promotion de représentations eurocentrées de la féminité. Si celle-ci s’est attachée depuis la fin des années 1970 à élargir son offre de produits co…

Ethnographic Account

The economic reforms that triggered China’s extremely fast development since the 1980s have also involved the beauty sector: the so-called beauty economy has flourished along with all the commercial activities related to the beauty industry, fro…

MACDONALD Charles, 2018. L’Ordre contre l’Harmonie. Anthropologie de l’anarchie

Ce livre d’anthropologie comparative trouve son origine dans les constats ethnographiques et les intuitions tirés d’enquêtes menées sur plus de 40 ans chez les Palawan, une population de groupes semi-forestiers d’essarteurs d’environ 45 000 individus, du sud de l’île du même nom, dans l’archipel des Philippines. Ces analyses portent sur certains des principes fondamentaux de la vie collective et de l’organisation sociale dans les petites communautés de chasseurs-cueilleurs et d’essarteurs – parmi[…]


Comptes-rendus d’ouvrages

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LIZET Bernadette, 2020 [1982]. Le cheval dans la vie quotidienne. Techniques et représentations du cheval de travail dans l’Europe industrielle

La demande de réédition de cet ouvrage, initialement paru chez Berger-Levrault en 1982, a plongé l’auteure dans « une aventure intellectuelle inédite », mettant en perspective 40 années de sa carrière de chercheure. L’avant-propos précise en quoi il ne s’agit pas d’une simple réimpression, mais d’un livre réévalué et « augmenté ». Les dernières pages livrent ainsi les résultats d’une enquête réalisée pour comprendre le changement intervenu durant les quatre dernières décennies. Bernadette Lizet a ainsi opéré une[…]


Comptes-rendus d’ouvrages

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