Apprendre la biomédecine et construire le travail de soin aux marges des savoirs locaux. Réflexions à partir du Burkina Faso
Au Burkina Faso, les facultés de médecine forment les étudiants à partir de programmes calqués sur ceux de pays du Nord dont la France, dans l’intention de les amener à disposer de savoirs biomédicaux et de modes de raisonnement sur le corps, les maladies, la guérison validés par la science. Leur caractère ʺuniverselʺ fonde leur position hiérarchiquement supérieure à d’autres savoirs locaux et participe de la fabrique d’une identité médicale transnationale. Ce cadre d’apprentissage et de transmission du modèle biomédical installe les médecins burkinabè dans une situation de continuité avec leurs collègues, où que se déroulent les formations puis l’exercice médical. Cependant l’usage du modèle appris dans l’ordinaire du travail concret de soin dévoile nombre d’articulations contrariées, tant au regard du contexte sociotechnique et économique étayant les pratiques, que des savoirs et traditions de soin qui réapparaissent dans la temporalité de l’exercice alors qu’ils ont été occultés durant les apprentissages. Depuis le contexte du Burkina Faso et en prenant ancrage dans le récit de vie d’une femme pédiatre, cet article interroge ce paradoxe fondateur des apprentissages biomédicaux valorisant un ʺmodèle idéalʺ réifié de la profession au détriment des réalités complexes, tant économiques que culturelles, dans lesquelles ce modèle doit se déployer. Cette situation produit une violence systémique qui place les médecins dans l’incapacité à sauver des vies alors qu’ils ont appris comment le faire.
mots-clés : formation médicale, Burkina Faso, biomédecine, savoirs locaux