Une intrusion cachée par une inclusion controversée. L’acquisition d’artefacts zapatistes par le Reina Sofía de Madrid
L’objectif de cet article est d’interroger la dimension politique de la patrimonialisation d’artefacts produits par les communautés autonomes du Chiapas et acquis en 2021 par le musée Reina Sofía de Madrid, dans le cadre d’une réorganisation de ses collections à visée décoloniale. En retraçant le processus d’acquisition de ces artefacts et leur mise en scène dans les collections du musée, nous souhaitons faire émerger la dimension critique de cette exposition des productions autochtones sur une scène majeure de l’art européen. Notre analyse porte avant tout sur les choix qui sous-tendent cette opération patrimoniale, à partir d’entretiens conduits avec les responsables des collections du musée ainsi que les dynamiques de réécriture de l’héritage colonial qui en résultent. Pour ce faire, nous mettons en résonance l’étude du processus de patrimonialisation de ces artefacts avec les discours produits par les zapatistes eux-mêmes et ceux des réseaux militants soutenant leur voyage en Europe en 2021. Cette acquisition, qui participe de la politique d’inclusion d’objets produits par des acteurs du Sud dans le discours muséal, se révèle être un cas singulier d’intrusion. L’enquête ethnographique dévoile les controverses de processus de patrimonialisation et la situation exceptionnelle qui permet l’arrivée en Europe des productions zapatistes. Elle permet de saisir la portée politique de cette intrusion cachée.
mots-clés : ethnographie, patrimonialisation, réécriture de l’histoire, études décoloniales, mouvement zapatiste